Le Français de Julien Suaudeau

vendredi 23 octobre 2015


Résumé : 
De l'ennui normand au chaos syrien, la métamorphose d'un inoffensif garçon de campagne en petit soldat du terrorisme. Un voyage au coeur des ténèbres.

Première phrase :
Tôt le matin, dans le noir et le froid, on reconnaît les hommes.

Dernière phrase : 
Je ne suis pas une petite chose et je vous arracherais le cœur de mes mains si elles étaient libres.

Le paragraphe : 
J’ai compris que j’étais arrivé quand j’ai aperçu un garçon de mon âge avec, au front, la même brûlure de vie que moi. Il m’a conduit à d’autres, dans lesquels je me suis reconnu aussi. Des garçons de toutes les origines, de tous les pays du monde, surtout d’Europe et du Maghreb : blonds, bruns, aux yeux verts, bleus, marrons, grands, petits, forts, maigres, noirs, blancs, arabes, français. Je les aurais reconnus même sans leur drapeau noir et sans leurs armes. En les observant, j’ai pensé que c’était écrit : les déchets de la grande illusion, de la vie, de la civilisation, réunis pour former les contingents de barbares qui devaient tout détruire. C’était inévitable que nous pensions être frères.

Quatre Sans Quatre en dit :
Ce roman est indispensable, totalement incontournable. Aimez-le, détestez-le, mais ne passez pas à côté avec ce dédain prétentieux des élites qui provoque les vocations nihilistes d'une jeunesse qui n'a plus de rêves. Un formidable outil à réfléchir sous les atours d'une histoire magistralement menée. Laissez tomber les chaines d'infos en continue, le vrai monde est dans la fiction ! Lire la suite.

Moi j'en dis : 
Après avoir lu l'avis dithyrambique et l'interview de l'auteur sur la radio du blog de copain Quatre Sans Quatre, impossible de passer à côté de ce titre.

Dès les premières pages du récit, l'auteur s'emploie à installer du vide dans le quotidien et dans la vie du personnage. Un personnage dont on ne connaîtra jamais le nom.

C'est le jeune homme tranquille, sans problème, il traîne un peu, mais n'irait pas terroriser les grands-mères. L'histoire commence avec la petite routine du héros : un travail qu'il lui plait plus ou moins, qu'il fait correctement sans trop se poser de question, une potentielle petite-amie, une vie familiale assez difficile avec le départ de son père et la présence d'un beau-père violent. Malgré tout, il se contente de tout ça. 
Puis petit à petit, tout s'effrite : la fille est au coeur d'une entourloupe, son patron se passe de lui et sa situation familiale se dégrade. 
Imaginez : sa situation de départ n'était pas terrible et en plus elle s'aggrave !

Il y a vraiment une gradation vers le vide, le personnage est rapidement privé de tout ce qui était plus ou moins stable dans sa routine. Quand il touche le fond, au moment où il n'attend plus rien de la vie, il va faire des rencontres. Dommage, ces rencontres ne vont pas le ramener à la surface.

Il prend une succession de mauvaises décisions, à chaque fois pour se rendre utile auprès d'une de ses rencontres. Il est clairement atteint d'un complexe de Télémaque : il tente de reconstruire la fonction de père dans les personnages charismatiques qu'il rencontre. A chaque fois il se plie en quatre pour eux et à chaque fois il enchaîne les opportunités qui l'entraînent vers le bas. Quand finalement il accepte un de rendre un service pour sa propre rédemption, il se retrouve sur un terrain vague, une manchette à la main.

Il est assez lucide : il s'auto-critique, il nous dit rapidement que sa situation est plus ou moins absurde et qu'il joue un rôle, celui que ces rencontres ont bien voulu lui confier. Il se reproche d'avoir été stupide de suivre des gens pour qui mentir, faire croire et tromper, c'est la vie quotidienne. 

Verdict : Un roman poignant et intense sur un phénomène qu'on a du mal à cerner, les jeunes sans histoires qui deviennent djihadiste en Syrie.

N'oubliez pas, c'est mon avis : Aimez, détestez, peu importe respectez.
Au plaisir.

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