Pourvu qu'il soit de bonne humeur de Loubna Serraj

lundi 14 décembre 2020




Deux époques.
Deux couples.
Deux voix. Non, plusieurs voix qui traversent le temps pour raconter une vie, deux vies, leurs vies.
À travers une histoire, tour à tour inscrite dans le passé et le présent, aussi parsemée de violence ordinaire que de passion rebelle, le murmure Pourvu qu’il soit de bonne humeur d’abord inaudible, se renforce, devient mantra et arrache sa propre bulle de liberté, inestimable hier comme aujourd’hui.
Comment être libre quand l’idée même de liberté n’est pas envisageable ?
Comment résister à une guerre de l’intime où les bruits des canons deviennent ceux de clés tournant dans la serrure d’une porte ou de pas se rapprochant doucement mais sûrement ?
Comment la peur peut s’insinuer dans les couloirs du temps pour faire passer un message ? Quel message ?
Maya. Lilya. Deux voix. Deux femmes. Deux époques.
Une intensité. Celle que provoque la liberté.

L’auteur nous propose ici un roman polyphonique qui avance à deux cadences, pour nous raconter deux vies, celle de Maya et celle de Lilya. Deux voix, dans deux temporalités différentes. A priori, tout sépare les jeunes femmes, et même plus, tous les opposent : l’une est une journaliste intrépide, sans attache et farouchement féministe et l’autre est mère au foyer, épouse d’un homme violent qui donne le change. Pourtant, elles ont une chose en commun : elles sont toutes deux éprises de liberté ! Une battante en cache une autre : facile à imaginer pour l’une, difficile à croire pour l’autre. 

Les deux héroïnes se partagent la narration dans un chassé-croisé dans le temps. Leurs deux voix s’articulent, se répondent, se complètent. Et pourtant, elles n’avancent pas au même rythme, pour l’une des voix l’action se déroule très vite, on sent l’urgence, pour l’autre au contraire, les mois passent et se ressemblent tant que l’on a l’impression de retrouver l’héroïne toujours au même point. 

De part et d’autre de l’échelle temporelle, l’histoire est ancrée dans son contexte grâce à des détails subtils et pertinents qui donnent de la matière. Et des indications politiques également, notamment autour des prémices de l’indépendance du Maroc. L’entrée en matière prend son temps. Il installe confortablement le lecteur dans sa lecture. Et puis arrive un premier épisode de violence qui se présente sans fard et surtout sans prévenir. Cet effet de surprise tétanise le lecteur, et à partir de là, la lecture devient addictive. 

Les personnages transpirent l’authenticité ! Ils sont habilement construits. L’auteur est parvenu à les rendre palpables avec une psychologie pleine et aboutie. Ils ont des qualités et défauts ; ils sont tour à tour fragiles et forts ; méritant et indigne. Ils ne sont ni noir ni blanc. Ils sont humains ! Ils vivent dans ce roman de grands moments de violence, physique ou verbale ; ordinaires et extrêmes… On s’attache à eux et leurs douleurs sont les nôtres. C’est dire la justesse des mots. Ils portent des thématiques fortes et engagées : la place du mariage dans la vie d’une femme/la place de la femme dans la société/la violence domestique/les œillères (les convenances) et la culpabilité des proches/la remise en question de l’amour filial/la puissance des liens fraternels. Chacune est traitée avec l’importance qu'elle mérite. Pas de place à la superficialité ici, tout est profond et pertinent !

C’est un roman courageux !




 
N'oubliez pas, c'est mon avis : Aimez, détestez, peu importe respectez.
Au plaisir.

 

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