La Discrétion de Faïza Guène

jeudi 27 août 2020



Yamina est née dans un cri. À Msirda, en Algérie colonisée. À peine adolescente, elle a brandi le drapeau de la Liberté. Quarante ans plus tard, à Aubervilliers, elle vit dans la discrétion. Pour cette mère, n'est-ce pas une autre façon de résister ? Mais la colère, même réprimée, se transmet l'air de rien.


J’ai ri, j’ai pleuré et j’ai même pleuré de rire.

En quelques pages, l’auteur m’a transportée dans cet hommage et cette déclaration d’amour d’enfant, issu de l’immigration, à ses parents. À sa mère. Grande et humble. Naïve et pragmatique. Stoïque et mystique. Matriarche dans une société patriarcale. LE pilier familial.

J’ai reconnu mes parents, leur politique de l’exemplarité pour ne pas se faire remarquer et leur plafond de verre dans l’excellence pour se contenter, parce que celui qui se contente de peu ne manque de rien. J’ai reconnu toutes mes questions d’identité. Chaque personnage se bat avec une problématique, un doute, une colère, qui a fait écho en moi. 

Ici, il est question de racisme. Un racisme qui a atteint son paroxysme, au point de transpirer et polluer tous les rapports ordinaires. « Raciste ou pas raciste », telle est la question avec laquelle j’analyse, malgré moi, tous mes rapports. Et si tu penses que j’exagère, c’est que tu n’as jamais été à ma place. 
L’auteur décrit la colère qui gronde, qui mute en rage dopée à la nitroglycérine quand les rapports sont faussés, quand le mépris et la condescendance s’invitent dans une conversation. Quand on nous demande de se résigner à un énième effort… notamment au sujet de l’intégration. Concrètement, je paraphrase Rocé dans Le métèque :

« Devoir s’intégrer à un pays qui est déjà le sien
C’est flairer, se mordre la queue, donc garder un statut de… ».

Face à ça, l’amour parental suprême, indivisible, inaliénable, inconditionnel. Amour qui les a poussés à l’ultime sacrifice, celui de leur pays. Ils ruminent leur nostalgie, pendant qu’on se gargarise d’une opulence écœurante, qu’on se baigne dans une culpabilité sans fond et qu’on bataille avec une insatisfaction insatiable. 

Un livre fort, qui sans en avoir l’air, dresse le portrait d’une génération aux démons autodestructeurs.

Merci à l’autrice pour la représentation de nos doutes. 
Merci à l’autrice de permettre aux autres de palper furtivement nos insécurités identitaires.

 
N'oubliez pas, c'est mon avis : Aimez, détestez, peu importe respectez.
Au plaisir.

 

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